Datation des eaux souterraines par CFC et SF6

(France)

Datation

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Personne en charge de la nouvelle pratique :

Virginie VERGNAUD – virginie.vergnaud@univ-rennes1.fr

Datation des eaux souterraines par les chlorofluorocarbones (CFC) et l’hexafluorure de soufre (SF6) est une méthodologie d’analyse géochimique pour l’estimation du temps moyen de renouvellement des eaux souterraines. Cette méthodologie est développée par la plate-forme Condate-Eau de l’université de Rennes 1 en France. Cette expertise est portée par seulement 8 laboratoires dans le monde, et permet une analyse fine à l’échelle du picogramme par litres, là où les analyses classiques sont généralement en microgrammes par litres. L’utilisation de ces traceurs permet la compréhension du fonctionnement des systèmes aquifères via des modèles de circulation. Les CFC sont des gaz connus pour leurs impacts sur la couche d’ozone, et il n’existe à priori plus de pays émetteurs. Il existe trois principales sources émettrices de CFC : les mousses polystyrènes (CFC-11) ; les réfrigérateurs (CFC-12) ; et enfin les solvants (CFC-113). Le SF6 est utilisé comme isolant électrique. Cette méthodologie a été développée suite à l’intensification des pratiques agricoles dans les années 1970-1980 et une augmentation importante des relargages en nitrates. L’objectif visé par cette méthodologie était l’estimation du temps de résidence des nitrates qui se déplacent à la même vitesse que l’eau. L’outil est maintenant utilisé par les collectivités, les bureaux d’études, et les laboratoires universitaires comme outil de gestion des systèmes aquifère pour connaître le temps nécessaire avant d’observer les effets de programmes d’actions visant à limiter les apports en nitrate sur un territoire. C’est également un outil de communication auprès des agriculteurs et des acteurs de terrain pour leur montrer sous quelle temporalité les résultats de leurs efforts seront visibles.

Figure 1 : Méthodologie de datation des eaux souterraines.

Entité responsable

La Plate-forme CONDATE-EAU est l’entité responsable de cette pratique de gestion. C’est une plate-forme de l’Université Rennes 1 qui offre des prestations de services en hydrogéologie et estimation des temps de résidence aux collectivités, aux bureaux d’études, et à d’autres partenaires universitaires.

Cadre institutionnel

Dès l’année 2000, la Directive Cadre sur l’Eau (DCE) a posé des objectifs ambitieux en matière de reconquête de la qualité des ressources en eaux (qu’elles soient destinées à l’alimentation en eau potable ou non). Dans le cadre de cette directive, les états membres de l’Union Européenne doivent notamment agir pour protéger leurs captages d’eau potable dans le but de réduire les traitements appliqués à l’eau prélevée et lutter contre la détérioration de la qualité de la ressource. Les masses d’eau utilisées pour des captages d’eau destinées à la consommation humaine (ou pouvant l’être dans le futur) sont listés en tant que zones protégées. En France, la loi sur l’eau et les milieux aquatiques (LEMA, n°2006-1772, article 21) et le décret du 14 mai 2007 (n°2007-888) ont renforcé les outils réglementaires déjà existants. Ces textes ont rendu possible l’utilisation dispositif de « Zones Soumises à Contrainte Environnementale » (ZSCE) sur les AAC. Ce dispositif peut intervenir à l’échelle de l’Aire d’Alimentation des Captages (AAC) présentant un enjeu particulier pour l’approvisionnement actuel ou futur en eau potable (protection quantitative et qualitative des captages d’eau potable). Par la suite, le Grenelle de l’environnement a confirmé l’importance de l’enjeu de protection des captages destinés à l’alimentation en eau potable. La mise en œuvre des conclusions du Grenelle (article 27 de la loi n°2009-967 du 3 aout 2009) prévoit ainsi d’assurer dès 2012 la protection d’un peu plus de 500 captages parmi les plus menacés par les pollutions diffuses.

Cadre géographique

La pratique se déroule sur tout type d’aquifère à l’échelle internationale. Plusieurs exemples de l’utilisation de cette pratique ont été réalisés en France, Brésil, Inde, Québec, etc. On compte environ 30 projets/an en moyenne de datation des eaux souterraines par CFC et SF6, dont 15% sont réalisés à l’échelle internationale.

Figure 2 : Localisation des études de datation par CFC et SF6 réalisées par Condate-Eau.

Explication détaillée

L’estimation du temps moyen de renouvellement des eaux souterraines est une méthodologie d’analyse géochimique qui permet la datation des eaux souterraines à partir des gaz CFC et SF6. Le principe est que ces traceurs nous indiquent la durée que l’eau a mis pour transiter entre son point d’infiltration et son point de prélèvement. En effet, les gaz une fois dissous dans la nappe, s’isolent et conservent leur signature atmosphérique.

nappes du fossé Rhénan
Figure 3 : Schéma de principe de la datation par les CFC et SF6 : enregistrement de la signature atmosphérique.

Toutefois, un captage est alimenté par une multitude de gouttes d’eau qui ont des âges différents, on ne peut donc estimer que le temps moyen de renouvellement de la nappe dans son ensemble, on parle ainsi d’âge moyen ou âge apparent.

La compréhension du fonctionnement des aquifères est ainsi réalisée via des modèles de circulations observés dans l’environnement qui représentent soit des nappes libres, des nappes captives, ou bien un mixte des deux. L’âge moyen de la nappe est alors interprété sur la base de 3 modèles hydrogéologiques simples : (i) à piston, (ii) à recharge continu, et (iii) à mélange binaire.

Pour le modèle à piston, toutes les lignes d’eau ont le même âge et donc tous les traceurs sont concordants. La zone de recharge est alors localisée et isolée au cours de la circulation souterraine.

nappes du fossé Rhénan
Figure 4: Modèle de circulation à piston.

Pour le modèle exponentiel ou à recharge continue : la recharge s’effectue sur tout le bassin versant à un point donné c’est donc un mélange d’eau de tous les âges, la répartition répond donc à une distribution exponentielle. Le temps obtenu est l’âge moyen pour lequel 2/3 de la nappe a été renouvelée.

Pour le modèle de mélange binaire, c’est un mélange entre deux masses d’eau de zone de recharge distinctes et restreintes sous sa forme la plus simple. Il peut être complexifié à l’infini.

Historique

  • 2005 : premier travaux sur les gaz dissous CFC dans le cadre d’un projet Région. Cette période correspond également à la fin de la thèse de V.Ayraud-Vergnaud sur l’estimation des temps de résidence de l’eau en lien avec les algues en Bretagne.
  • 2007 : création du bureau d’étude LADES (Laboratoire de Datation des Eaux Souterraines) pour l’estimation des temps de résidence de l’eau à destination des collectivités. Valorisation des travaux de thèse via une Jeune Entreprise Universitaire.
  • 2010 : fermeture de la société et début d’autonomie des universités.
  • 2011 : Ouverture de la plate-forme Condate-Eau au sein de l’université de Rennes.

Les principaux facteurs clés de mise en œuvre, ont été la loi Grenelle II (n°2010-788) du 12 juillet 2010 et la nécessité de délimiter des aires de protection des captages AEP et de mettre en place des programmes d’actions sur ces aires d’alimentation de captages.

Les principaux obstacles ont été le manque de lobbying, car l’estimation du temps de résidence des eaux souterraines n’était pas imposée, et le levier financier puisque cette méthode innovante nécessite une expertise avec un certain coût qui peut freiner son utilisation.

Preuve des avantages

Le principal avantage à utiliser cette méthodologie est l’homogénéité des relargages à l’échelle internationale. En effet, on connaît les courbes d’évolution du relargage de ces produits qui sont homogènes sur l’ensemble de l’hémisphère Nord. Ces gaz, interdits depuis le protocole de Kyoto et Montréal dans les années 1992 sont des gaz très stables qui sont restés dans l’atmosphère.

Plusieurs références (thèse, site de la plate-forme, rapports institutionnels) démontrent ainsi l’intérêt d’utiliser ces méthodologies de datation des eaux souterraines pour la gestion des systèmes aquifères.

Potentiel de reproduction dans la région SUDOE

La méthodologie présente un fort potentiel de reproduction avec plus de 50 références à l’international. Mais attention, cette méthodologie n’est pas extrapolable aux pesticides qui ont des temps de transferts différents des eaux..

Figure 5: Chroniques des concentrations dans l’air des CFC et SF6 dans l’hémisphère Nord.

La mise en œuvre de cette pratique a nécessité l’achat de matériel (100 k€), le lancement d’une thèse, le recrutement d’un ingénieur d’étude (1 ETP) pour le développement, et la présence d’un ingénieur de recherche.

Aujourd’hui, les moyens humains dédiés à la gestion de la pratique sont de 4 personnes (2 ETP), avec un ingénieur d’étude en CDD pour la logistique et les analyses, et un ingénieur de recherche en CDI pour la coordination. Enfin, deux autres ingénieurs de recherches sont nécessaires pour les développements en R&D.

Les prestations de datations des eaux pour les collectivités peuvent être subventionnées par les agences de l’eau, à hauteur de 50-80%. Le matériel (investissement et renouvellement) peut quant à lui être subventionné par les Contrats de plan Etat-Région.

Perspectives d’évolution

A court-terme les perspectives d’évolution de sont d’aller sur d’autres types d’études : (i) le traçage et la mesure par gaz dissous en continu, et (ii) la géochimie organique au niveau des stations d’épurations. A long terme, il est question de surveiller les gaz émergents, mais des verrous techniques sont à lever car pour le moment ils ne tiennent pas dans l’atmosphère.

Points-clés de la méthode innovante

  • Estimation du temps de renouvellement des aquifères via traceurs CFC et SF6
  • Fort potentiel de reproduction : tout type d’aquifère à l’échelle internationale
  • Evaluer la réactivité de la nappe aux modalités de recharge
  • Evaluer le temps nécessaire avant de pouvoir observer les impacts des programmes d’actions

Remerciements

La pratique innovante a été suggérée par Yvan KEDAJ (Aqua-Valley) et Virginie VERGNAUD (Université de Rennes 1) a participé aux entretiens.

References

Ayraud, V. (2015). Détermination du temps de résidence des eaux souterraines : application au transfert d’azote dans les aquifères fracturés hétérogènes. Thèse de doctorat, Universités Rennes 1, France, 313 p. https://tel.archives-ouvertes.fr/tel-00088100/document – Consulté en ligne le 24 janvier 2022.

Antea-Group (2019). Estimation du temps moyen de renouvellement de l’eau par datation à partir des CFC et SF6. Résultats 2018 sur les captages prioritaires en eau souterraines du Sud du bassin. https://www.eaurmc.fr/upload/docs/application/pdf/2019-05/rapport-datation-2018_sud-bassin-rm-vf.pdf – Consulté en ligne le 24 janvier 2022.

Depardon, S., & Vergnaud, V. (2018). Estimation des délais de renouvellement des aquifères : méthodes et premiers résultats sur les captages du bassin Rhône Méditerranée. Une aide pour orienter les opérations de restauration de la qualité ? Journée eau & connaissance, Université Lumière Lyon 2, le 6 décembre 2018. https://docplayer.fr/144441949-Depardon-stephane-antea-group-vergnaud-virginie-plateforme-condate-eau-osur-univ-rennes.html – Consulté en ligne 24 janvier 2022.

INTERNET REFERENCES:

Plate-forme Condate-Eau : https://osur.univ-rennes1.fr/condate-eau

Protection des captages contre les pollutions diffuses : le contexte réglementaire. https://aires-captages.fr/page/contexte-reglementaire

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